La guerre aux déchets
plastique a commencé ?
Depuis que la Chine,
qui recyclait 45 % des déchets plastiques mondiaux, a annoncé qu’elle ne voulait
plus en recevoir, la crainte des pays qui en exportent n’a pas cessé de grandir
jour après jour, par peur de suffoquer un jour sous ces déchets.
L’Empire du Milieu ferme ses portes….
Cela date du 18
juillet 2017, quand Pékin a notifié à l’Organisation mondiale du commerce (OMC)
qu’elle allait interdire l’entrée de son territoire à vingt-quatre catégories
de déchets (plastiques, papiers, textiles…). Les autorités chinoises ont mis en
avant l’argument environnemental afin de développer une industrie de recyclage qui
leur soit propre. Cette nouvelle politique draconienne est baptisée « l’Épée
». La Chine et Hong Kong, qui achetaient 60 % des déchets plastiques
exportés par les pays du G7 au premier semestre 2017, n’en acceptaient plus que
10 %...
Sommes-nous prêts ?
Au regard de ce
bouleversement, le marché du traitement des déchets et ses filières sont déstabilisés.
Une question cruciale se pose dans les pays européens sur la capacité de faire
face à ce changement des filières de traitement des déchets : sommes-nous
prêts à traiter nos déchets localement ? Quelles conséquences sur les
filières ? Pourrions-nous considérer cela comme une opportunité
d’évolution et d’innovation pour le traitement des déchets ?…
Le problème s’avère
plus délicat pour les déchets plastiques car la moitié de ceux collectés en
Europe en vue d’être recyclés sont exportés pour une part importante vers la Chine,
afin d’être traités hors de l’Union européenne (source parlement européen REF :
20181212STO21610) ...
L'étude publiée par
des chercheurs de l'université de Géorgie donne une idée de l'ampleur de la
crise. « Si rien n'est fait, l'Europe, le Japon et les États-Unis, les
principaux exportateurs, vont se retrouver avec 111 millions de tonnes de
déchets plastiques sur les bras d'ici à 2030. »
Une opportunité pour réinventer la gestion des déchets !
Renforcer la politique de recyclage…
Les raisons avancées
par le parlement européen au sujet de ces exportations de déchets sont le
manque de capacité, de technologie et de ressources financières pour que ces derniers
puissent être traités localement…
Seulement 30 %
des déchets plastiques des Européens sont recyclés à l’heure actuelle. Travailler
en amont pour réduire l’utilisation de plastique semble l’une des solutions… Ou
la stratégie engagée par la Commission européenne depuis ce mois de janvier
vise à faire baisser la quantité d’emballages en plastique, ou elle souhaite
que tous les emballages plastiques utilisés en Europe soient d’origine recyclée
à l’horizon 2030. Le gouvernement français adhère à cette stratégie et il s’est
fixé comme objectif de recycler 100 % des plastiques collectés d’ici
2025.
Favoriser le tri à la source ? La faible part de plastiques recyclés dans l’Union
européenne représente une lourde perte pour l’économie ainsi qu’un impact sur l’environnement.
Chaque année, la production et l’incinération des plastiques émettent près de
400 millions de tonnes de CO2 au niveau mondial, ce qui pourrait être évité
s’ils étaient valorisés. On estime que 95 % de la valeur des matériaux
d'emballage en plastique sont perdus au terme d'une première utilisation très
brève. Cela est expliqué par le manque de matières triées à la source, qui ne garantit
pas des flux réguliers de qualité permettant aux centres de traitement de les
valoriser, mais comment y arriver ?
Impliquer les citoyens ? La collecte des déchets en
vue de leur valorisation nécessite un meilleur tri à la source, qui exige un
vrai engagement citoyen et des collectivités, ainsi que la mise en place de
mécanismes incitatifs virtuoses - pourquoi pas financiers ? - afin de
récompenser leurs gestes de tri et les encourager.
Cette politique est
déjà appliquée dans de grandes villes, comme c’est le cas pour l’initiative néerlandaise
(upcycling),
à Amsterdam – dans le
quartier Wildeman. Une monnaie locale a été lancée par le studio de design the
Beach. Les pièces de monnaie sont fabriquées à partir de plastique recyclé. Les
habitants sont invités à rapporter eux-mêmes leurs déchets plastiques, qui sont
pesés et échangés contre ces pièces de monnaie, ensuite utilisables dans les
commerces locaux participants. Cette initiative favorise non seulement le
recyclage des déchets plastiques, mais incite aussi à consommer local…
Innover, repenser notre modèle économique de
production de déchets ?
L’innovation peut être
technologique, avec un outil industriel qui évolue afin d’augmenter le
recyclage et le rendre plus performant, plus rentable et efficace : centres
de tri hautes performances, tri optique, utilisation de l’intelligence
artificielle et de robots… La reconnaissance faciale et le machine learning pourraient
réduire la marge d’erreur des machines en faisant la différence entre
différents types de plastiques…
La société suédoise
de traitement de la ferraille Skrotfrag, à titre d’exemple, vient d’installer
une ligne de tri robotisée, équipée d’un système ZenRobotics à trois bras pour
améliorer le tri. Le Massachusetts Institute of Technology (MIT) a indiqué,
lors d’un communiqué publié le 11 avril 2019, qu’il désire donner la
possibilité à des robots (RoCycle) d’acquérir le sens du toucher. Le but ?
Permettre à ces derniers d’effectuer des tâches répétitives telles que des
opérations de tri à des fins de recyclage.
Mais l’innovation
est aussi sociale avec la transformation des postes de travail dans les
centres de tri, les améliorations de la sécurité pour les agents.
Elle peut aussi s’exercer
financièrement avec la mise en place de nouveaux modèles économiques comme
ceux de la tarification incitative ou la redevance spéciale, d’où le modèle proposé
par le parlement européenne pour encourager les États membres à réduire la TVA
sur les produits recyclés...
Reste à ce jour à
réinventer la filière de traitement des déchets de demain, la moderniser, et imaginer
des méthodes de traitement innovantes pour combler la perte de la filière
chinoise. Cette décision chinoise est une opportunité pour l’industrie
européenne du recyclage… pour innover et monter en gamme, et former des
filières créatrices d’emploi, avec une économie qui implique le dialogue citoyen,
une économie plus juste, circulaire et écologique…
Dr Chaden DIYAB
Dr Chaden DIYAB
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